Le parquet de Rennes a annoncé, le 4 décembre 2025, le classement sans suite de l’enquête portant sur des soupçons de violences policières à l’encontre de quatre manifestants blessés lors de la mobilisation contre la mégabassine de Sainte-Soline, le 25 mars 2023. Cette décision, publiée après plus de deux ans d’investigations menées par l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), s’appuie sur une analyse approfondie du contexte particulièrement violent dans lequel les gendarmes sont intervenus ainsi que sur l’impossibilité d’attribuer avec certitude certains tirs. Elle met en lumière, malgré les interrogations soulevées par les plaignants, le respect global des règles d’engagement par les militaires et leur comportement souvent exemplaire dans une situation d’affrontement extrême.
L’enquête visait à déterminer les circonstances dans lesquelles quatre manifestants — âgés de 20 à 35 ans au moment des faits — avaient été gravement blessés. Dès le départ, les investigations avaient confirmé que les blessures provenaient exclusivement de tirs de gendarmes. Toutefois, ces mêmes investigations ont aussi établi que certains tirs avaient été effectués dans un environnement qualifié d’« ultraviolent » par le parquet, caractérisé notamment par des affrontements massifs, l’usage d’armes impropres par certains manifestants, et des contraintes opérationnelles rendant l’identification individuelle des tireurs particulièrement difficile.
Le procureur Frédéric Teillet détaille trois motifs principaux de classement sans suite. Pour l’un des plaignants, la grenade GM2L qui l’a touché a été tirée conformément aux règles d’emploi : un tir « en cloche », prévu par les protocoles d’intervention, et justifié par la nécessité de maintenir une distance de sécurité. Pour d’autres manifestants blessés, l’absence d’identification précise du gendarme ayant tiré constitue un obstacle juridique majeur. Enfin, dans plusieurs situations, même si un tir semblait potentiellement non conforme, les circonstances d’extrême tension pouvaient permettre de le considérer comme justifiable au regard de l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure, notamment sous l’angle de la légitime défense.
Aucune incohérence majeure
Ces éléments soulignent un aspect important : malgré les critiques médiatiques qui ont entouré l’intervention de Sainte-Soline, la grande majorité des actions menées par les gendarmes ont été jugées compatibles avec leurs obligations légales et opérationnelles. Le parquet rappelle implicitement que les forces de l’ordre, souvent visées par des accusations portant sur des images partielles ou sorties de leur contexte, ont agi dans des conditions d’une rare intensité et en cherchant à maintenir un cadre légal strict. Les auditions menées montrent d’ailleurs que les militaires présents — y compris ceux identifiés comme potentiellement impliqués dans certains tirs — ont affirmé avoir respecté les prescriptions d’usage de leurs armes, et qu’aucune incohérence majeure n’a été relevée.
L’exemple du cas de Serge Duteuil, gravement blessé par un tir tendu, illustre la complexité de l’enquête. Les vidéos laissaient penser que la grenade pouvait provenir d’un blindé. Mais les gendarmes du véhicule affirment avoir respecté les règles, tandis que d’autres militaires à proximité étaient également équipés de lance-grenades. En l’absence de certitude, la justice ne peut retenir d’infraction individuelle.
Si le parquet a classé sans suite les plaintes initiales — y compris pour non-assistance à personne en danger, aucune infraction n’ayant été caractérisée — il a toutefois décidé d’ouvrir une information judiciaire concernant spécifiquement les tirs tendus, pratiques non conformes pouvant éventuellement relever de violences volontaires. Cette démarche montre la volonté d’approfondir les aspects encore obscurs, sans remettre en cause l’appréciation générale du comportement des gendarmes.
Les plaignants, représentés par leur avocate, ont annoncé déposer une plainte avec constitution de partie civile. Ils déplorent des investigations qu’ils jugent incomplètes, notamment concernant l’exploitation exhaustive des vidéos.
Au final, cette décision du parquet met en lumière la difficulté de juger des interventions menées dans un climat de confrontation extrême, tout en rappelant que, dans leur grande majorité, les gendarmes ont agi dans le respect du droit et avec un professionnalisme souvent exemplaire, malgré des conditions particulièrement violentes et dangereuses.
