En France, le trafic de cocaïne connaît une mutation profonde : pour contourner le durcissement des contrôles dans les grands ports européens, les réseaux criminels privilégient désormais les routes en provenance d’Espagne. Cette réorientation logistique transforme la façade Atlantique, notamment la Nouvelle-Aquitaine, en point d’entrée stratégique pour la poudre blanche.
De record en record
Les chiffres illustrent l’ampleur du phénomène. Entre janvier et septembre, plus de 70 tonnes de cocaïne ont été saisies par les autorités françaises, dépassant déjà le record annuel de 2024 (54 tonnes) et explosant celui de 2023 (23 tonnes). Si les ports demeurent l’axe principal d’acheminement (78 % des saisies), les douanes affirment n’avoir « jamais saisi autant de cocaïne sur la route », avec des interceptions atteignant désormais plusieurs centaines de kilos par convoi.
La Nouvelle-Aquitaine est devenue un symbole de ce nouveau mode opératoire. En neuf mois, près de 1,8 tonne y ont été saisies, contre seulement 37 kg en 2023. Des prises spectaculaires – 600 kg dans deux camions à un péage, 772 kg dissimulés dans un poids lourd – témoignent d’une industrialisation du trafic. Les trafiquants utilisent des caches hautement sophistiquées, intégrées aux véhicules, révélant un niveau technique jusque-là inédit.
Des consommateurs en nette hausse
Cette évolution est alimentée par un contexte international favorable aux organisations criminelles. La production mondiale de cocaïne n’a jamais été aussi élevée, atteignant 3 700 tonnes en 2023. La saturation du marché nord-américain a fait chuter les prix, poussant les cartels à se tourner vers l’Europe. En France, le prix du gramme est passé de 66 à 58 euros en un an, rendant le produit plus accessible et intensifiant la concurrence entre groupes criminels.
Parallèlement, la demande explose : 1,1 million de personnes en France ont consommé de la cocaïne au moins une fois en 2023. Sur le terrain, les forces de l’ordre constatent une substitution progressive du cannabis par la cocaïne dans les points de deal, notamment à Bordeaux. Cette montée en puissance s’accompagne d’une hausse des violences liées aux rivalités entre réseaux et d’un impact croissant sur la sécurité publique.
Le phénomène ne se limite plus au trafic : il affecte directement la société. Pour les enquêteurs, le constat est sans appel : la drogue, et désormais la cocaïne en tête, s’installe comme le fléau majeur de ces dernières années en France.

