La France a récemment adopté une loi ambitieuse pour renforcer la lutte contre le narcotrafic. Bien que cette avancée législative marque une étape importante, elle révèle aussi plusieurs limites structurelles.
En 2024, les saisies de drogue ont connu une hausse spectaculaire : 53 tonnes de cocaïne ont été interceptées, contre 23 tonnes en 2023, soit une augmentation de 130 %. Toutes drogues confondues, les quantités saisies atteignent 110 tonnes, en progression de 74 %. Ces chiffres traduisent une efficacité croissante des services de l’État, mais ne doivent pas masquer les défis persistants, notamment en milieu rural, où les saisies ont été multipliées par dix en deux ans. Cette montée en puissance illustre l’expansion préoccupante des trafics en dehors des zones urbaines.
Des avoirs saisis modestes
Sur le plan financier, les avoirs saisis restent modestes : 71 millions d’euros en 2024 contre 51 millions en 2019, un montant encore très inférieur aux profits annuels estimés du narcotrafic (entre 3,5 et 6 milliards d’euros). La nouvelle loi représente donc un progrès, mais nécessite des efforts accrus en matière de coordination entre les forces de sécurité : police, gendarmerie, douanes, marine et services de renseignement. Le manque de clarté juridique sur les notions de « narcotrafic » ou de « criminalité organisée » pourrait limiter l’efficacité du futur Parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco), appelé à intervenir dans les affaires les plus graves.
Autre point de friction
Un autre point de friction réside dans la réponse pénale. Le ministre de la Justice souhaite isoler les 200 trafiquants les plus dangereux dans des conditions de détention très sécurisées. Or, avec une surpopulation carcérale atteignant 130 %, une administration pénitentiaire épuisée et seulement deux prisons ultrasécurisées en projet, cette ambition semble difficilement réalisable. On compte aujourd’hui environ 600 détenus classés sensibles, alors que la capacité d’accueil prévue ne dépasse pas 250 places.
En somme, malgré des avancées notables et des résultats chiffrés encourageants, cette loi ne saurait à elle seule combler les lacunes budgétaires, organisationnelles et juridiques actuelles. Sans moyens accrus et vision stratégique globale, la crédibilité de l’État de droit pourrait être sérieusement ébranlée.