Jeudi 21 août, dans les Pyrénées-Orientales, une ligne rouge a été franchie. Un gérant de parc de loisirs de Porté-Puymorens a cru bon d’interdire l’accès à 150 enfants israéliens, âgés de 8 à 16 ans, venus passer une journée de vacances. Non pas pour une question de sécurité, de réservation ou de capacité d’accueil. Non : pour ce que l’homme a lui-même désigné comme des « convictions personnelles ». Autrement dit, une discrimination brutale, assumée, visant exclusivement l’origine et la confession de ces mineurs.
Cet épisode glaçant, qui a obligé les jeunes vacanciers à être escortés par la gendarmerie vers un autre site de loisirs, laisse un goût amer et un sentiment d’effroi. Car c’est bien d’une ségrégation décomplexée qu’il s’agit. Une ségrégation rappelant les heures les plus sombres de notre histoire, celles où l’on osait placarder aux portes des commerces « interdit aux chiens et aux juifs ».
Une indignation unanime
La présidente du CRIF Languedoc-Roussillon, Perla Danan, a exprimé une sidération légitime : « C’est un cap qui est passé ». De tags haineux, d’insultes et d’agressions, la spirale a désormais conduit à l’exclusion pure et simple de mineurs, sur la seule base de leur judaïsme et de leur nationalité. Faut-il rappeler que ces enfants n’ont commis aucun crime, n’avaient qu’une réservation en règle et venaient simplement profiter d’un moment de loisirs ? La violence symbolique est d’autant plus insupportable qu’elle frappe des enfants, réduits à des identités assignées, privés du droit fondamental à l’innocence.
L’Observatoire Juif de France parle à juste titre d’une « atteinte extrême aux principes fondamentaux de la République ». Liberté, égalité, fraternité : ces valeurs ne sont pas de simples slogans sur les frontons de nos mairies. Elles devraient protéger chaque citoyen, chaque visiteur, chaque enfant. Or, ce jeudi, elles ont été piétinées.
La banalisation de l’antisémitisme
L’affaire n’est pas un accident isolé, mais le symptôme d’un mal qui ronge notre société. L’année dernière, 1.570 actes antisémites ont été recensés en France. Et derrière ces chiffres froids se cachent des visages, des vies bousculées, des familles angoissées. Ce nouveau palier, celui de l’exclusion publique et assumée d’enfants juifs, montre que la banalisation est en marche.
Tolérer que l’on puisse invoquer des « convictions personnelles » pour humilier 150 mineurs, c’est accepter que l’antisémitisme s’installe comme une opinion parmi d’autres. Or, rappelons-le : la haine n’est pas une opinion. C’est un délit. Et dans ce cas précis, la justice devra répondre avec la plus grande fermeté.
Une réponse judiciaire et politique impérative
Le gérant, âgé de 52 ans, a été placé en garde à vue pour « discrimination fondée sur la religion », un délit passible de trois ans d’emprisonnement. C’est un premier pas, mais ce ne peut être qu’un début. Comme le réclame le CRIF, il faut une réponse « forte, exemplaire et immédiate ». Ne rien faire, minimiser, ou différer la sanction, reviendrait à valider implicitement ce type de comportements.
De la même manière, nos responsables politiques ne peuvent rester dans le silence prudent ou l’indignation molle. Le rejet des juifs, hier rampant, aujourd’hui assumé, exige une condamnation claire, sans ambiguïté, au plus haut niveau de l’État.
Une honte française
Car il s’agit bien d’une honte nationale. Que des enfants israéliens, accueillis en France, se voient refuser un droit élémentaire pour leur simple identité, c’est une humiliation pour eux, mais aussi pour notre République tout entière. C’est l’image d’un pays qui, au lieu d’être une terre d’hospitalité, se laisse gangrener par des relents d’exclusion.
Dans les Pyrénées-Orientales, ce jeudi, ce ne sont pas seulement 150 enfants qui ont été humiliés. C’est la France qui a failli à sa promesse républicaine. Et c’est à la France, aujourd’hui, de réparer, par la justice, par la politique, par la parole, cette blessure.
Refuser des enfants parce qu’ils sont juifs n’est pas une « conviction personnelle ». C’est un crime contre la fraternité. Et il est urgent que nous le disions haut et fort, avant que l’impensable ne devienne la norme.
Jean-Claude Seguin
Le Pandore et la Gendarmerie