« Se passer de drones, c’est comme se passer de la vue » : la formule du général de gendarmerie Philippe Mirabaud illustre l’importance que les forces de l’ordre accordent aujourd’hui à ces engins. En quelques années, ils sont devenus des outils incontournables pour la police et la gendarmerie, au point que leur déploiement lors des manifestations des 10 et 18 septembre a été qualifié de « sans précédent ».
La flotte nationale de drones a littéralement explosé : 965 pour la gendarmerie et 650 pour la police, soit 1.615 appareils, contre à peine quelques centaines il y a cinq ans. Plus de 1.500 agents ont été formés à leur utilisation, incluant le pilotage, la sécurité aérienne et le respect du cadre juridique. Chaque mission est tracée, les images stockées seulement sept jours puis détruites, assure l’institution. Pour les autorités, ces aéronefs représentent une « plus-value » irremplaçable dans les opérations : maintien de l’ordre, surveillance des frontières, lutte contre les rodéos urbains ou encore contre le trafic de stupéfiants.
Les défenseurs des libertés publiques inquiets
Mais cette massification inquiète profondément les défenseurs des libertés publiques. L’usage des drones a longtemps fait l’objet de batailles juridiques, et c’est seulement en 2022 qu’un cadre légal a été fixé par la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Chaque recours nécessite une autorisation préfectorale détaillant les raisons, la zone de survol et la durée. Certaines pratiques préfectorales sont cependant dénoncées comme opaques, voire dissuasives pour la contestation.
Lors des mobilisations du 10 septembre, 82 arrêtés préfectoraux ont été recensés, couvrant parfois des départements entiers. Une trentaine ont été contestés devant les juges, entraînant une douzaine de suspensions.
La Ligue des droits de l’homme rappelle que l’usage du drone doit rester un « dernier recours », selon les principes d’adéquation, nécessité et proportionnalité fixés par le Conseil constitutionnel. Elle dénonce pourtant une montée en puissance quasi exponentielle, au détriment du contrôle démocratique.