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Le drame de Crépol : ce que la République ne veut pas voir

Il aura fallu un livre, Une nuit en France, pour que la vérité partielle d’un procès-verbal refoulé refasse surface. Ce document, rédigé cinq jours après la mort de Thomas, 16 ans, poignardé lors d’un bal à Crépol, évoque des propos racistes anti-blancs tenus par les agresseurs. Il était là, noir sur blanc, dans les pièces du dossier. Mais curieusement rangé dans un recoin discret : les notifications de garde à vue. Une zone grise où dorment les vérités dérangeantes.

Pourquoi ce silence ? Pourquoi ce refus de considérer sérieusement la piste d’un crime raciste lorsqu’il vise un adolescent blanc ? L’adjudante qui rédige le PV s’appuie sur une dizaine de témoignages. Le gradé qui la soutient rappelle que ces mots ont été entendus, consignés, et validés par la hiérarchie. Mais la justice n’en a pas tenu compte. Pas de circonstance aggravante retenue. Pas de reconnaissance d’un possible mobile raciste.

Ce n’est pas seulement un oubli judiciaire. C’est un choix. Un choix de société. En France, certains racismes sont visibles, dénoncés, documentés – à juste titre. D’autres sont ignorés, minimisés, voire niés. Le racisme anti-blanc est un angle mort du débat public. Non pas parce qu’il n’existe pas, mais parce qu’il dérange. Parce qu’il bouleverse les hiérarchies morales confortables. Parce qu’il vient d’en bas, des marges, et non du pouvoir.

Alors on détourne le regard. On parle d’environnement social, de contexte difficile, d’errance juvénile. On dit : « Ils sont venus avec des couteaux, pas pour agresser. » Comme si la présence d’armes dans un bal ne posait pas question en soi. Comme si la mort de Thomas pouvait être analysée sans affronter de front la haine qui l’a peut-être causée.

Les auteurs du livre, en révélant le PV tout en le relativisant, ajoutent à la confusion. Ils dénoncent l’emballement médiatique mais participent eux-mêmes à une lecture biaisée : excuser au lieu d’expliquer. Leur discours choque. Il blesse. Surtout la famille de Thomas, déjà dévastée, qui voit son deuil instrumentalisé, sa douleur balayée au nom d’un récit dominant.

Crépol n’est pas un fait divers ordinaire. C’est un miroir cruel tendu à une République qui ne veut pas se regarder en face. Une République qui hiérarchise les morts, qui tolère certaines colères et en étouffe d’autres. Une République qui parle d’unité mais nie certaines fractures au nom d’un équilibre idéologique.

Le racisme anti-blanc existe. Il ne remet pas en cause d’autres formes de racisme. Il ne les relativise pas. Il les complète. Et ne pas le reconnaître, c’est laisser s’installer une colère sourde, un sentiment d’abandon, un ressentiment qui gangrène la confiance dans les institutions.

L’affaire Crépol devrait être une alerte. Une alerte contre le déni. Une alerte contre le deux poids, deux mesures. Et surtout, une alerte pour une République réellement universelle. Où la couleur de peau de la victime n’influe ni sur l’attention médiatique, ni sur la rigueur judiciaire.

Il est temps de voir ce que l’on refuse de nommer. Et de regarder Thomas non pas comme une exception dérangeante, mais comme un symbole du malaise français.

Edito : Jérémy ARMANTE – Directeur du Pandore et la Gendarmerie.

Rédigé par pandore

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