La Martinique connaît depuis plusieurs années une situation particulièrement préoccupante sur le plan sécuritaire, avec un niveau d’homicides parmi les plus élevés de France. Face à cette réalité, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, en visite sur l’île pour deux jours, a annoncé une série de mesures destinées à intensifier la lutte contre le narcotrafic et les violences armées. Ces annonces s’inscrivent dans un contexte où les saisies de stupéfiants ne cessent de battre des records, traduisant à la fois l’efficacité accrue des opérations policières et la puissance croissante des réseaux criminels qui exploitent l’archipel comme une plateforme de transit et de redistribution.
Entre 22 et 24 tonnes saisies en Martinique pour le seul premier semestre 2025.
En 2023, un peu plus de 10 tonnes de drogues avaient été interceptées en Martinique et dans les eaux environnantes. L’année suivante, ce chiffre a plus que triplé, atteignant 31 tonnes. Pour le seul premier semestre 2025, les saisies se situent déjà entre 22 et 24 tonnes, dont 5 tonnes découvertes au large de l’île en juin. Cette tendance illustre une offre en pleine expansion, nourrie par la demande internationale et par l’ancrage du narcotrafic dans les réseaux logistiques maritimes. Le ministre insiste sur le fait que la Martinique doit recevoir la même attention que l’Hexagone dans la politique nationale de sécurité, affirmant avec force : « La Martinique, c’est la France, et moi j’y tiens beaucoup ».
Les moyens
Pour renforcer durablement la présence sécuritaire, la décision a été prise de pérenniser un deuxième escadron de gendarmerie mobile. Initialement déployé de manière temporaire, il devient permanent, garantissant un maillage plus dense du territoire. Cette mesure est complétée par la création d’une brigade nautique à Saint-Pierre, dotée d’une cellule judiciaire dédiée. Sa mission sera de contrer directement les convois de drogue par voie maritime, principal vecteur d’acheminement des cargaisons en provenance d’Amérique latine et des Caraïbes.
La question des homicides
La question des armes à feu, étroitement liée aux homicides, fait également l’objet d’une attention spécifique. Deux groupes spécialisés, l’un rattaché à la police et l’autre à la gendarmerie, seront créés pour cibler les filières d’approvisionnement et démanteler les circuits clandestins qui alimentent la violence locale. Le ministre a par ailleurs mis en avant un volet technologique, misant sur la modernisation des outils de surveillance et de contrôle. Deux radars fixes viendront renforcer la veille côtière, épaulés par un drone de longue portée capable de détecter les convois suspects. Dans les infrastructures stratégiques, un scanner mobile sera déployé au port, tandis que deux scanners fixes seront installés à l’aéroport de Fort-de-France. Ces équipements permettront de multiplier les contrôles et d’améliorer la détection des cargaisons dissimulées.
Vers davantage d’investigations
Le dispositif est complété par un renfort en matière d’investigation. L’Office français anti-stupéfiants (OFAST) bénéficiera de 26 enquêteurs supplémentaires, dont un tiers sera affecté à la Martinique. Cette montée en puissance vise à approfondir les enquêtes et à mieux cibler les réseaux transnationaux. L’exemple de l’opération Scotopélia, menée récemment, illustre l’ampleur et la diversité des trafics. Elle a permis la saisie de plus de 100 kilos de cannabis, plus de 2 kilos de cocaïne, des armes, plus d’un millier de munitions, mais aussi des produits de contrebande inattendus comme 267 cartouches de cigarettes et plus d’une tonne de lambis, une ressource marine protégée. Cette affaire met en lumière la capacité des organisations criminelles à diversifier leurs activités et à exploiter simultanément plusieurs filières lucratives.
Un message fort
Au-delà des chiffres et des annonces, Bruno Retailleau a voulu adresser un message politique fort : l’État ne laissera pas la Martinique seule face aux assauts des trafiquants. Selon lui, la lutte contre le narcotrafic doit s’inscrire dans une stratégie globale impliquant la Justice, les Douanes, l’Armée et l’ensemble des forces de sécurité intérieure. Cette approche interministérielle est présentée comme la seule capable de répondre à l’ampleur du phénomène. La population, confrontée à une montée de la violence et vivant dans l’angoisse quotidienne, attend que ces promesses se traduisent en résultats tangibles. Entre volontarisme politique, moyens renforcés et innovations technologiques, l’État espère restaurer un climat de sécurité et affirmer sa présence dans un territoire devenu l’un des points névralgiques du narcotrafic international.