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Coup de projecteur sur « Les Mystères de Fort-Royal », un livre publié chez Caraïbéditions

Cet ouvrage est une biographie romancée de Joseph France, officier de gendarmerie 

Devenu abolitionniste et député suppléant de Victor Schoelcher en 1848. À travers une enquête historique et fictionnelle, l’auteur met en lumière ce personnage oublié de l’histoire martiniquaise, engagé contre l’esclavage. Le récit mêle faits réels, dialogues imaginés et contexte colonial, dans une trame marquée par le mystère, l’engagement et l’humanité.

L’auteur, le général William Vaquette, a commandé les forces de gendarmerie en Martinique avant de devenir responsable du SIRPA Gendarmerie, le service d’information et de communication de l’Institution. En découvrant Joseph France lors de sa mission Outre-mer, il a souhaité redonner vie à cet officier courageux et méconnu, symbole d’une gendarmerie engagée pour la justice et la dignité humaine.

L’auteur, le général de gendarmerie William Vaquette 

Le Pandore : Mon général, comment avez-vous découvert Joseph France ?

Général William Vaquette : Lorsque j’ai appris ma nomination en 2021 au commandement des forces de gendarmerie en Martinique, j’ignorais que j’avais rendez-vous avec l’Histoire. En faisant des recherches pour comprendre ce département qui m’était totalement inconnu, un article de Gendinfo publié en 2018 par le Sirpa sur sa plateforme numérique a attiré mon attention. Comme la plupart d’entre nous, je ne savais pas que mon lointain prédécesseur à Fort-de-France, le chef d’escadron Joseph France, milita pour l’abolition de l’esclavage. Ni qu’il fut élu le 9 août 1848 député suppléant de Victor Schoelcher dans l’assemblée constituante de la Seconde République. Nous ne savons rien de Joseph France. Si peu de choses, et pour la plupart oubliées. Un gendarme par excellence. Un militaire discipliné que la réalité de l’esclavage conduisit à la désobéissance. En 1843, il reçut la belle Martinique en plein cœur. Une terre de passions qui forge à la fois la douleur et le bonheur. 

Le Pandore : Joseph France, est un militaire très discipliné, qui pourtant, à l’époque en 1845, va désobéir en constatant la  terrible réalité de l’esclavage ?

William Vaquette : C’est dans la mer des Caraïbes que ce Mosellan devint abolitionniste, et plus particulièrement sur Matinino. L’île sans pères où seules habitaient les femmes. Puisque c’est ainsi que les Amérindiens appelaient la Martinique avant que cette colonie française ne tirât sa richesse des plantations de canne à sucre, mais aussi de l’esclavage. L’histoire inspirée de faits réels que je raconte dans Les Mystères de Fort-Royal, celle d’un soldat de la loi devenu combattant de l’humanité, est tout simplement inattendue. Pour que ce qui hier paraissait normal dans la plupart des civilisations, voire l’expression d’un ordre naturel ou divin, soit enfin reconnu par le droit universel comme un crime contre l’humanité défaite. 

Peut-on dire que les grandes désobéissances historiques viennent de militaires ?

Ce qui est intéressant dans son histoire oubliée de tous, c’est la question inédite du devoir de désobéissance du militaire qui n’existe pas en 1843 pour des raisons de conscience citoyenne et humaniste. Depuis peu, c’est-à-dire le putsch des généraux de l’armée de terre du 21 avril 1961 en Algérie, on interroge régulièrement la portée et les limites du puissant principe selon lequel la discipline est la force principale des armées. Dans le code de la défense, tout militaire doit légalement désobéir si les ordres qu’il reçoit sont jugés contraires à l’éthique et ne doit pas exécuter un ordre manifestement contraire au droit international. Ainsi, dans l’histoire de France, rien de grand n’a été accompli par des militaires sans désobéissance : le général De Gaulle depuis Londres en juin 1940, le général Von Choltitz qui n’exécute pas l’ordre d’Hitler de destruction de Paris le 23 août 1944 ou le refus de tir de contre-attaque nucléaire en 1983 par le lieutenant-colonel Petrov à Moscou. Le point commun de ces hommes d’exception fidèles aux étapes de leur vie sous l’uniforme, c’est de croire et d’obéir à ce qui est plus grand qu’eux, c’est-à-dire l’humanité. 

Le combat de Joseph France est très vite  devenu politique, et le mènera même jusqu’à la députation ?

C’est encore là une question aussi ancienne que moderne dans les démocraties, celle des rapports entre le pouvoir civil et le pouvoir militaire : cedant arma togae (il faut que les armes le cèdent à la toge). Quand le silence complice de l’administration coloniale menace l’humanité, le chef d’escadron Joseph France porte la voix des sans voix, celle des esclaves. Pour cela, il ne peut que faire valoir ses droits à la retraite militaire le 14 mars 1846 afin de bénéficier d’une totale liberté de parole et investir le champ politique. Sa deuxième vie commence alors avec une nouvelle ambition : mener jusqu’au bout son combat abolitionniste contre l’humanité défaite en étant fidèle aux étapes de sa vie sous l’uniforme. Sa vie a été plus riche qu’un livre d’histoire. On peut y lire les grands chapitres des drames et des gloires de notre mère patrie. Son parcours est plus que la carrière d’un grand militaire de la gendarmerie. C’est une leçon de courage, d’héroïsme et de foi en la France. France, quel beau nom de famille prophétique pour un soldat et un patriote. Un fils de Lorraine.

Autre date historique, la commémoration le 22 mai de l’abolition de l’esclavage en Martinique ?

Le choix de la date de sortie du livre en librairie n’est pas anodine. Depuis 1983, le 22 mai est un jour férié en Martinique commémorant la liberté obtenue par les esclaves en 1848. Il faudra attendre la loi dite « Taubira », le 10 mai 2001, pour reconnaître la traite et l’esclavage comme crime contre l’humanité. 

Entretien : Jean-Claude Seguin 

Fiche technique « Les Mystères de Fort Royal »:

– 272 pages

– prix de vente 17,30 euros

– éditeur caraïbéditions : fc@caraibeditions.fr

– disponible en libraire dès le 22 mai et dans tout le réseau de vente sur internet

– Illustrateur : Loustal

Rédigé par pandore

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