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Blessé pour la Nation, oublié par l’Etat : le combat sans fin du gendarme Damien

Nadine Lechon, députée RN de Dordogne, membre de la commission de la Défense nationale et des Forces armées.

En 2015, lors d’une opération en Nouvelle-Calédonie, le gendarme Damien est grièvement blessé à la tête par trois fragments de balle tirés par des mineurs insolvables. Dix ans plus tard, son dossier d’indemnisation reste enlisé. Les autorités invoquent l’absence de cadre d’« opération extérieure » pour refuser une reconnaissance équivalente à celle des blessés de guerre.

Un décret du 5 juillet 2024 élargit pourtant ce statut aux militaires blessés sur le territoire national… mais seulement à partir du 1er janvier 2024. Une date couperet qui exclut Damien et d’autres gendarmes, ravivant un profond sentiment d’injustice. Malgré les interventions répétées de la députée Nadine Lechon, les ministères concernés et l’Elysée opposent un mur de silence. Entre procédures inhumaines et absence de réponse politique, Damien, héros blessé, attend toujours que la République qu’il a servie reconnaisse sa souffrance.

Blessure du gendarme Damien à la tête.

Les explications de Nadine Lechon, députée RN de Dordogne, membre de la commission de la Défense nationale et des Forces armées

Le Pandore – Dix ans après les faits, Damien n’a toujours pas obtenu d’indemnisation à la hauteur de son handicap, de ses blessures. Comment expliquez-vous cette lenteur administrative ?

Nadine Lechon  L’administration française, dans ce domaine comme dans les autres, est impactée par une lourdeur administrative conséquente. Il existe aussi une lenteur juridique, en témoigne l’évolution du dossier de Damien sur dix ans. Les causes ? Des manques de moyens et de cohérence. Les dossiers sont parfois même égarés et dégradés dans le temps engendrant la perte d’informations. 

Le Pandore – Le décret du 5 juillet 2024 a ouvert de nouveaux droits, mais uniquement pour les militaires blessés après le 1er janvier 2024. En quoi cette limite temporelle est-elle, selon vous, une injustice flagrante pour Damien et d’autres gendarmes ?

Nadine Lechon Il faut élargir temporellement le décret. Cette limite de temps est une volonté d’économie financière. Si cette question se pose, je considère qu’aider ceux qui ont tout sacrifié pour la Nation n’a pas de prix. Devenir militaire, policier ou gendarme c’est dépasser un cadre professionnel. On accepte l’idée de devoir tout donner, y compris le sacrifice suprême. Nous leur devons tout et en tant que maman de gendarme je m’identifie plus encore à ces engagements.

Le Pandore – Est-ce que, derrière le cas de Damien, vous voyez une volonté politique de contenir les dépenses plutôt qu’un vrai souci de reconnaissance des blessés en service ?

Nadine Lechon Bien sûr. Combien de fois en commission, je constate que pour beaucoup « tout va très bien ». La réalité de nombreux problèmes et celui de l’aide à nos blessés est bien souvent mise sous le tapis, ce côté humain est en train de disparaitre. Tout est raccroché à l’argent et à l’esprit nauséabond de la rentabilité à tout prix. 

Le Pandore – Quand on lit les courriers reçus par Damien – parfois automatiques, parfois froids – a-t-on le droit de dire que l’Etat traite ses gendarmes blessés comme des variables administratives plutôt que comme des hommes ?

Nadine Lechon L’Etat traite les militaires comme des numéros de dossier. Ils sont rangés dans des tiroirs, triés par lettre. On finit par les oublier, et en fin de compte on s’en fiche. Damien est un papa, ce n’est pas un numéro de dossier, pas plus que tous ses collègues. Ce n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres. La classe politique ne veut plus se fatiguer, évite les conflits, en espérant que le militaire se fatiguera avant l’administrateur. 

Vous êtes députée du Rassemblement national, et certains diront que votre combat est avant tout partisan. Que répondez-vous à ceux qui soupçonnent une récupération politique de cette affaire ?

Nadine Lechon Jamais de la vie. Je n’ai rien récupéré. Ma belle-fille et mon fils sont gendarmes. Je me suis imaginé à la place des parents de Damien. En tant que députée RN, je me trouve bien plus honorable que nombre de mes collègues d’autres groupes qui encore une fois tournent bien vite la tête pour ne pas voir ces difficultés. Ils ne gèrent pas ces problèmes parce que cela ne leur rapporte rien. J’ai récupéré ce dossier non par intérêt politique mais parce qu’il y a un malheur humain. Je suis une députée de la Nation, j’ai été élue pour cela. Si je n’aide pas Damien, qui le fera ? Cela fait dix ans qu’il erre dans un désert, personne n’a voulu l’aider. Il y a ceux qui trouvent des excuses et ceux qui cherchent des solutions.  Je veux alerter l’opinion publique. Les gens ne savent pas, c’est d’ailleurs ce qui a choqué les journalistes lors du passage de Damien dans l’émission « Ça peut vous arriver » de Julien Courbet. 

Le Pandore – Le député Modem de la circonscription de Damien avait promis de s’occuper de son dossier, avant de disparaître. Est-ce que cela illustre un désintérêt plus large de la majorité pour les blessés en service ?

Nadine Lechon Quand je le vois en commission Défense, je ne vois qu’une personne qui nous méprise. Beaucoup de députés d’autres groupes voient le policier et le gendarme comme une variable d’ajustement. Les forces de l’ordre sont pour eux un bouclier contre les manifestations et les tensions croissantes. Ils ne les estiment pas. Vous me posiez la question de la différence entre le RN et les autres, elle est probablement ici. Nous considérons chacun comme un individu à respecter et aider, et non comme un pion ou une variable d’ajustement. Je suis certaine que lorsque le député Modem a reçu le dossier, il ne s’est pas demandé « Comment puis-je l’aider » mais plutôt « Est-ce que cela va me rapporter des voix et est-ce que cela va me prendre du temps ? ». Un député RN ne fonctionne jamais sur cette démarche : Damien n’est pas de ma circo, il ne m’a jamais contacté directement. J’ai mobilisé mes équipes pour le retrouver et l’aider, car encore une fois j’ai été touchée et impactée par sa détresse. Je pense qu’il est de mon devoir de servir tout comme il a lui-même servi. Damien est entré dans la Gendarmerie pour protéger son pays. C’est désormais à notre tour de le protéger. 

Le Pandore – On reçoit de nombreux témoignages similaires : des gendarmes blessés, laissés pour compte, qui parlent d’abandon. Pensez-vous que nous sommes face à un scandale silencieux au sein de l’Armée en général, et de la Gendarmerie en particulier ?

Nadine Lechon Oui c’est une évidence. Mais je ne pense pas que cela soit la faute de la Gendarmerie et de l’Armée, elles sont simplement dépassées. Nos armées manquent de personnel et de moyen. Les responsables sont ailleurs : dans les hautes administrations, au sein d’une classe politique qui depuis une quarantaine d’années a laissé une situation pourrir. Les militaires ont ordre de ne jamais se plaindre. Cela fait des décennies que ces problèmes existent et ils ont supporté ces injustices sans jamais broncher ni abandonner. Jusqu’à maintenant personne ne s’est penché sur ce dossier. Pourquoi ? Parce que les militaires ne se plaignent jamais et encaissent, donc ils ne sont pas prioritaires selon des dirigeants qui agissent en fonction d’opportunités politiques de court terme plutôt que pour le bien commun et une vision de long terme. 

Entretien : Jérémy Armante

Rédigé par pandore

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