en

L’INCIDENCE PROFESSIONNELLE (IP), UN PRÉJUDICE TROP SOUVENT IGNORE

VICTIMES DE PREJUDICES CORPORELS

Il est fréquent que dans les suites d’un accident de la circulation, de la vie privée ou même d’une agression, une victime ayant subi des lésions corporelles subisse en outre un retentissement dans le cadre de son activité professionnelle. Ce constat se traduit généralement par l’indemnisation des pertes de gains actuels et/ou futures (PGPA et PGPF) prenant en compte de manière très précise la situation personnelle de la victime.

La méthode d’évaluation de ce préjudice corporel sera relativement simple pour un salarié pour lequel il conviendra de calculer la différence entre les revenus qui auraient dû être perçus et ceux qui ont été effectivement reçus (indemnités journalières). La méthode sera beaucoup complexe et donc discutée par le régleur (généralement l’assureur du responsable) lorsqu’il s’agira d’indemniser les bénéfices d’un non salarié, où une moyenne des trois dernières années précédant le fait dommageable sera calculée en appliquant éventuellement un coefficient de pondération annuelle.

Mais notre propos ne concerne pas directement ce type de préjudice professionnel qui est habituellement pris en compte et donc plus ou moins bien indemnisé.  Il s’agit pour nous d’aborder l’indemnisation de « L’INCIDENCE PROFESSIONNELLE », qui jusqu’à une époque très récente, était soit complètement ignorée, ou intégrée dans d’autres postes de préjudices tels que l’ancienne incapacité permanente partielle (AIPP). Elle n’était que très rarement indemnisée de manière autonome dans les cas les plus graves tels les tétraplégiques.

De quoi s’agit-il concrètement ? Ce poste de préjudice a pour objet d’indemniser « les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle » consacré par la nomenclature Dintilhac en 2006. Il s’agira d’apprécier les conséquences du sinistre sur la vie professionnelle (hors perte de revenus) telles que la dévalorisation sur le marché du travail, le risque de perte d’emploi, la perte de chance d’une promotion professionnelle, l’obligation de devoir abandonner la profession exercée, l’augmentation de la pénibilité de l’emploi, le regard des autres, employeur, des collègues de travail …. cette liste n’étant pas limitative. Pour exemple, nous pouvons citer ce jeune plombier salarié de 27 ans, qui a perdu l’usage de son bras droit et a été obligé d’opérer une reconversion professionnelle sans être inapte au travail, alors qu’il souhaitait même s’installer à son propre compte. Il a obtenu, au titre de l’incidence professionnelle, une somme de 300.000 euros (C. Appel Paris P2 Ch3 13/10/2014 n° 12/16490). La Cour de Cassation a même reconnu qu’était indemnisable le préjudice professionnel d’une jeune victime sans activité au moment des faits, dont l’état limite le choix du futur métier (Cass. 2° civ.14/04/2016 n° 15-10404).

L’attention du lecteur est attirée sur le fait que l’incidence professionnelle doit être indemnisée même pour les séquelles d’importance moindre. Ainsi, ce motard de la BMO âgé de 50 ans, qui se plaignait de la persistance de douleurs à la préhension du pouce entraînant une gêne à la conduite motorisée et au maniement des touches du clavier d’ordinateur, a obtenu la somme de 10.163 euros (TGI Toulon 2° Ch 18/05/2017). Egalement, ce gendarme qui a obtenu la condamnation de l’assureur à lui verser une indemnité de 10.000 euros du fait de la pénibilité accrue au port du casque de moto (TGI Toulon 2° Ch. 06/10/2016).

Mais, une fois que l’IP a été reconnue, se pose le problème de son chiffrage. La Cour de Cassation rappelle régulièrement que son montant ne saurait être forfaitaire. Pour autant, l’incidence professionnelle peut toujours être cumulée avec la perte de gains professionnels (PGPF) . Il n’existe pas de méthode « officielle », mais la tendance actuelle est de considérer le salaire comme moyen d’indemnisation en retenant un pourcentage du salaire mensuel puis en procédant par capitalisation ou par rente. Pour être plus clair, le pourcentage de la rémunération retenue qui sera capitalisé en fonction de l’âge de la victime indemnise l’incidence professionnelle constatée (ex : 10 % x 2.000 € salaire) = 200 € x 12 mois x indice capitalisation* = IP).

En conclusion, on ne saurait trop insister sur la nécessité d’apprécier le poste « Incidence Professionnelle » au moment de l’expertise médico-légale, car ce préjudice est bien trop souvent encore négligé. Il doit s’apprécier au cas par cas : la perte d’une jambe est certainement incompatible avec le métier de couvreur, mais pas avec celui d’agent administratif sédentaire … même si le regard de l’entourage professionnel pourra , notamment, être indemnisé dans les deux situations.

Philippe SOLER

Avocat

——————————————————————-

Cabinet Philippe SOLER

Avocats

Cabinet principal:

Domaine de l’Olympe

Rue Minerve

83250 LA LONDE LES MAURES

Tél : 04.94.05.29.06

Fax: 04.94.15.91.15

Cabinet secondaire:

103 route de Bizonnes

38690 BELMONT

Tél.: 04.74.80.25.94

Email : cabinetsoler@yahoo.fr

www.cabinet-avocat-soler.fr

* indice capitalisation préconisé actuellement : Gazette du Palais 2016

Source photo : Charente Libre et Maître SOLER PHILIPPE

Source Texte : intégral Maître SOLER PHILIPPE avec son aimable autorisation.

Rédigé par pandore

RUSSIA 2018 : l’ordre russe face au « chaos » français

En Irak et Syrie, « souhait légitime » des autorités de juger les djihadistes français.